La principale gageure de la compositrice (et violoncelliste) Hildur Guðnadóttir pour la bande originale de Chernobyl a consisté à personnifier musicalement la catastrophe nucléaire de 1986 (le sujet de cette minisérie HBO en cinq parties). Comment donner un corps sonore à une force délétère à la fois invisible et silencieuse ? Au lieu des cordes tragiques ou menaçantes qui sont souvent de rigueur dans ce genre d’histoire, l'Islandaise (également auteure de la BO de Joker) a imaginé une texture atypique, à la fois envoûtante et effrayante. La musicienne a en effet passé une journée entière dans une centrale nucléaire lituanienne afin d’écouter et surtout d’enregistrer les bruits du site et des alentours. Ces sons de turbines, de pompes et autres compteurs Geiger constituent la base de la musique de la série. Naturellement, ils ont été retravaillés ensuite en studio. La BO de Chernobyl a donc la particularité de ne comprendre quasiment aucun instrument « traditionnel », mis à part la propre voix de Hildur Guðnadóttir sur certains titres (Clean Up, Líður), et celles du Homin Lviv Municipal Choir sur Vichnaya Pamyat – une manière d’apporter une minuscule dose d’humanité, et donc d’espoir au sein de ce tableau gris et anxiogène. L’idée de Guðnadóttir était donc de faire ressentir quasiment physiquement la radioactivité et, dans le cas de Tchernobyl, ses conséquences funestes. Un pari réussi qui a permis à la compositrice d’être récompensée d’un Emmy Award aux Creative Arts Emmys 2019. © Nicolas Magenham/Qobuz