Neil Young est rude avec le compte en banque de ses fans. Le Loner déterre quasiment tous les trois mois une archive inédite, quand il ne s’amuse pas à enregistrer un nouvel album… Mais cette fois, l’affaire est d’un tout autre calibre puisqu’il s’agit du second « gros coffret » de sa série Archives. Après un premier volume bodybuildé de 125 titres enregistrés entre 1963 et 1972 et publié en juin 2009, ce tome 2 zoome sur son âge d’or (1972/1976), une période durant laquelle il sortira ses chefs d'œuvre Harvest, On the Beach, Tonight's the Night et Zuma. Dans les 139 titres impeccablement remastérisés (on connaît sa maniaquerie pour tout ce qui touche au son), 63 sont totalement inédits. Cela inclut aussi bien des live que des versions alternatives de chansons connues (comme une reprise de Raised on Robbery de Joni Mitchell avec Joni Mitchell !) et 12 compos jamais entendues à ce jour parmi lesquelles la superbe ballade introspective Frozen Man et Goodbye Christians on the Shore. Un festin réparti sur 10 disques : Everybody’s Alone (1972 – 1973), Tuscaloosa (1973), Tonight's the Night (1973), Roxy: Tonight’s the Night Live (1973), Walk On (1973 – 1974), The Old Homestead (1974), Homegrown (1974 – 1975), Dume (1975), Look Out for My Love (1975 – 1976) et Odeon Budokan (1976).
Pas besoin d’entrer dans une analyse titre par titre de cette orgie de folk rock pour réaliser que Neil Young est alors au sommet de sa verve créatrice. Il carambole les Saintes Écritures du rock’n’roll avec la country et le folk, et trouve très vite sa propre sémantique qui ne ressemble alors à aucune autre. Sa voix reconnaissable entre mille comme son jeu de guitare, fascinante chevauchée électrique ivre et prenant aux tripes ou intense confession acoustique mêlant tristesse et mélancolie, rendent ses chansons (souvent grandioses) originales et attachantes. La période est alors loin d’être sereine pour un Neil Young bardé de doutes et hanté par de nombreux dilemmes artistiques et personnels : Ditch trilogy (la trilogie du fossé composée de Time Fades Away, Tonight's the Night, On the Beach, trois albums qui, à l’époque, rencontrent un succès critique et public mitigé mais finiront par compter parmi les plus importants des années 70), enregistrements perdus ou mis de côté, mort de Danny Whitten, le guitariste héroïnomane de son groupe Crazy Horse, séparation avec sa dulcinée Carrie Snodgress, les intempéries nourrissent son œuvre comme jamais ! Une œuvre qui paraît plus essentielle que jamais lorsque se referme cette somme impressionnante et foisonnante aussi bien destinée à ses aficionados qu’aux novices. © Marc Zisman/Qobuz