Pour son seizième album, Maxime Le Forestier réussit l’exploit de rester égal à lui-même, à la fois dans le fond et la forme. Son regard ironique et tendre sur le monde reste inchangé, au sein de chansons que l’intéressé qualifie de « sociétales ». Dans Les Ronds dans l’air (sur une mélodie du guitariste Manu Galvin), il vilipende le trop-plein de paroles sur la toile, tandis que dans Ça déborde, il évoque le désastre écologique de notre époque. Et dans La Vieille Dame (dont le texte a été diffusé sur Internet pendant la campagne présidentielle de 2017), il essaie de comprendre pourquoi certains citoyens se tournent vers le vote extrémiste. Mais Le Forestier peut aussi se montrer sous un jour plus introspectif, faisant le bilan de sa vie avec une remarquable sagesse (Dernier Soleil, sur une musique de Julien Clerc ; Mon Ruisseau, sur une musique de Philippe Lafontaine et en duo avec son fils Arthur Le Forestier).
L’album se caractérise par une simplicité orchestrale qui se trouve à la juste hauteur du regard parfois critique mais toujours élégant et bienveillant de Maxime Le Forestier. La plupart du temps, il n’est accompagné que d’une guitare, d’une contrebasse et de percussions discrètes. Mais dans Les Filles amoureuses, le violon jazz de Fiona Monbet vient virevolter autour de la charge du chanteur contre le machisme – ou plus précisément contre la soumission intérieure de femmes s’asservissant librement : « Les filles tombent amoureuses de n’importe qui. » Et dans Paraître, c’est le piano qui vient chambouler le système orchestral dépouillé de l’album. Dans ce petit clin d’œil à Hamlet (« Paraître ou ne pas être / Ouh la la la question que voilà »), Maxime Le Forestier vient chatouiller une époque dans laquelle celui qui ne montre pas tout de lui n’existe pas. Mais toujours avec tendresse, sans jugement, et avec une légèreté musicale (d’inspiration latino en l’occurrence) qui prouve que l’interprète de San Francisco ne conçoit pas la colère dans l’agressivité mais dans la douceur. © Nicolas Magenham/Qobuz