On sait que les Leçons de ténèbres étaient un genre musical liturgique et mondain très en vogue en France sous le règne de Louis XIV ; elles disparaîtront d’ailleurs avec la mort du souverain. Le souvenir et est resté cependant très vivace jusqu’à nos jours.
Chantées au cours des trois veillées des Offices des Ténèbres de la Semaine Sainte, les Leçons, en principe au nombre de neuf, utilisaient des textes spécifiques des Lamentations de Jérémie, accompagnées d’un cérémonial dramatique destiné à frapper les esprits qui se terminait par l’extinction progressive des bougies symbolisant la solitude du Christ abandonné par les apôtres.
François Couperin composa vraisemblablement neuf leçons dont les deux tiers sont aujourd’hui perdus. Elles restent la référence en la matière et ont été imitées par de nombreux compositeurs dans tout le royaume. Cette tradition française était toutefois précédée depuis longtemps par l’Italie, notamment avec les Tenebrae Responsories, sommet de l’œuvre de Gesualdo.
La confrontation de ces deux compositeurs proposée par Nigel Short et l’ensemble Tenebrae est proprement fascinante. Cent années séparent la musique torturée et maniériste de Gesualdo des lignes vocales douces et profondes de Couperin. Deux styles, deux époques et deux perceptions culturelles diamétralement différentes d’appréhender le mystère christique, mais qui se rejoignent par la force presque hypnotique de leur contenu musical. © François Hudry/Qobuz