Quasi exact contemporain de Bartók et de Webern, le compositeur néerlandais Jan Pieter van Gilse fut raisonnablement célèbre de son vivant, ayant remporté en 1909 l’équivalent allemand du Prix de Rome, le Prix Michael Beer (un poète romantique allemand, frère de Meyerbeer), ce qui valut à van Gilse de passer quelques temps dans la Cité éternelle. Mais le sort semble s’être acharné sur lui : lorsqu’éclata la Grande guerre, lui qui avait « trop » passé de temps auprès d’institutions allemandes se vit ostracisé par les institutions néerlandaises auxquelles il tentait de postuler ; une fois qu’il eût décroché un poste, l’ostracisme se fit plus virulent de sorte qu’il finit par s’installer à Berlin en 1926. Dommageable décision car dès 1933, il dut songer à retourner aux Pays-Bas – mais la Seconde Guerre le força dans la clandestinité et c’est en tant que résistant qu’il trouva la mort en 1944. Si son langage musical, jusque dans les années 1920, resta tranquillement dans le giron du postromantisme allemand, il évolua vers plus de modernisme ensuite, mais qui jouait encore ses œuvres… L’album que voici propose un concerto de l’époque d’« après », les Trois esquisses de danse pour piano et orchestre de 1925, post-straussiennes – voire post-humperdinckiennes, puisque van Gilse étudia avec lui – en diable, ainsi que les Variations sur un chant de la Saint-Nicolas de 1908, pour violon, violoncelle et orchestre. Étonnante redécouverte que la musique de cet inclassable et inclassé musicien qui mérite cent fois les honneurs discographiques qui lui sont ici rendus par l’Orchestre Symphonique des Pays-Bas (« Orkest van der Oosten », basé à Enschede). © SM/Qobuz