Il ne faut pas se fier au titre du nouvel album de Juliette car, comme toujours chez l’interprète de Rimes féminines, c’est le sourire qui inonde ce disque. De la chanson “mignonne” proche de la comptine (Dans mon piano droit) au comique un peu moins léger, voire poussif (Je remercie), en passant par des exercices de style habiles et drolatiques (Les Bijoux de famille), ce sont différents degrés d’humour qui habitent cet album. Dans ces croquis des travers de la société, Juliette est une adepte du grand écart : sur un même ton malicieux, elle évoque à la fois la montée de l’extrémisme (Météo marine), la dictature des canons de beauté (Madame) et l’esprit potache mais bon enfant des matchs de rugby (C’est ça, l’rugby !). A l’occasion, elle se regarde aussi elle-même, à travers des autoportraits espiègles et assez irrésistibles (Procrastination et A carreaux !). Certes, ce sont des caricatures du monde actuel, et pourtant, elles lorgnent, dans la forme, celles d’une autre époque. Ce pourrait être l’équivalent en chansons des dessins d’Albert Dubout.
Le rétro, c’est également la direction que Juliette a choisie pour habiller musicalement son nouvel opus. On assiste à un festival de rythmes surannés : valse, java, fox-trot, habanera… Le tout joué par un piano auquel viennent se greffer des vibraphones, clarinettes et autres flûtes traversières. Quant aux glockenspiels et tri-bells des Bijoux de famille, ils rappellent l’arrangement de Michel Legrand pour Un Air de cristal de Francis Lemarque. Avec cet album, nous sommes donc, sans aucune ambiguïté et avec une certaine noblesse, dans la droite lignée du genre chanson française. Et comme si cela ne suffisait pas, Juliette parsème ses mélodies de nombreux clins d’œil à ses illustres prédécesseurs, en particulier dans le vertigineux J’aime pas la chanson, où l’on reconnaît l’esprit de Pierre Perret et de Barbara (il fallait oser le mélange !). Et l’on entend même quelques notes de Chostakovitch et sa Valse n°2. © Nicolas Magenham/Qobuz