« Où étiez-vous le 5 novembre 1605 », telle est la question que tout un chacun risquait de se faire poser lorsque fut découverte la Conspiration des poudres destinées à réduire en bouillie le roi Jacques I, ses héritiers, sa famille et plus ou moins toute la noblesse anglaise du jour. Et si tant est qu’on était un brin catholique, la réponse pouvait vous envoyer à l’échafaud pour les plus chanceux, au découpage à vif précédé de l’éviscération et l’émasculation pour les moins veinards. Or, les cinq compositeurs ici représentés avaient vis à vis de la religion catholique des avis fort divergents. Byrd, fervent catholique, toléré par Elisabeth I et son successeur Jacques I car compositeur d’immense talent, s’était retiré à la campagne pour fuir les tiraillements religieux et profiter d’une vieillesse relativement épargnée. Peter Philips – catholique convaincu – était exilé à Bruxelles, il ne risquait donc rien. Dowland séjournait au Danemark, et la nouvelle de la conspiration ne pouvait que lui porter ombrage car, avec ses accointances catholiques, et malgré qu’il fût dans les petits papiers de la reine d’Angleterre, il risquait de voir passer sous son nez un poste tant attendu à la cour. Weelkes, lui, n’avait aucune sympathie pour les catholiques, et son poste à la cathédrale (anglicane, bien évidemment) de Winchester le mettait à l’abri des soupçons. Pour Richard Dering, l’Histoire reste muette : oui, il était catholique, oui, il avait tourné le dos à l’Angleterre, mais on ne sait rien de sa vie avant 1610… Toujours est-il que ces cinq compositeurs, d’une manière ou d’une autre, vivaient et travaillaient à cette époque, et leur musique a sans doute été teintée d’une manière ou d’une autre par les incessantes guerres, persécutions et misères religieuses qui déchirèrent l’Angleterre – l’Europe toute entière, en vérité – d’alors. The King’s Singers, six voix d’hommes, ainsi que l’ensemble Concordia pour les pièces instrumentales, nous offrent toutes ces merveilles avec une conviction absolue. © SM/Qobuz