C’est lorsqu’il fut compositeur en résidence de l’Orchestre de Chicago que John Corigliano, à l’âge de cinquante ans – un tardif en la matière, comme Brahms, même s’il avait déjà son actif nombre de pièces orchestrales, comme Brahms ! – composa sa géniale Première Symphonie, en 1988. La petite histoire précise que le compositeur souhaitait exprimer sa rage et sa tristesse devant l’avancée de l’épidémie de SIDA qui frappait alors la planète ; certes, l’argument est personnel, mais l’on peut y voir (ou n’y point voir) la même incidence directe que la dictature soviétique a pu avoir sur un Chostakovitch, ou les affres de l’amour impossible pour le Berlioz de la Symphonie fantastique. Car l’écoute « neutre » de l’œuvre permet avant tout de découvrir un immense compositeur, moderne dans ses sonorités et les harmonies tout en restant ancré dans les acquis pour l’architecture et l’écriture orchestrale. L’Orchestre du National Orchestra Institute (une phénoménale pépinière de futurs musiciens d’orchestre de haut niveau, que l’on pourrait mettre en parallèle avec l’Académie orchestrale du Philharmonique de Berlin, par exemple) a choisi de compléter le programme avec Bright Blue Music du compositeur états-unien postminimaliste Michael Torke, tiré d’une série de cinq pièces orchestrales « colorées » selon le principe assez messianesque de la synesthésie, puis Appalachian Spring de Copland, l’un des plus spirituels et fins ouvrages du compositeur. © SM/Qobuz