Si Booba a fait de Rohff son souffre-douleur favori au point de lui glisser dans les pattes son huitième album le jour même de la sortie de Le Rohff Game (le 4 décembre 2015), le rappeur du Va-de-Marne peut dormir sur ses deux oreilles tant son huitième effort soutient la comparaison avec l’excellent Nero Nemesis de son rival.
D’abord annoncé comme une mixtape, Le Rohff Game offre finalement un festival de punchlines sur pas moins de dix-neuf titres, débutant fort avec un trio de morceaux à l’orchestration oppressante et au flow implacable. Après un « Comme en 46 » déjà remarquable au niveau technique, « Rohff Game » enchaîne avec brio et conduit l’auditeur vers « La Crème de la crème », étincelant duo avec un autre poids-lourd du rap hexagonal, Lacrim'. Il est bien sûr question d’image et de leadership, d’où le respect à la lettre de la coutume qui consiste à rouler quelques mécaniques, notamment sur le diptyque constitué de « Star » et « O Top ».
Si Booba a donc forcément les oreilles qui sifflent, des titres tels que « Vrai reconnaît vrai », « Les Anciens », « Vitry sur haine » ou le très direct « Ils nous connaissent pas » ont déjà des allures de standards. Sur ce dernier semble d’ailleurs s’ouvrir une nouvelle phase de l’album, plus mélodique, qui se poursuit avec « Bijou », sur lequel Awa Imani vient poser sa voix, et qui s’achèvera avec « La Famille », impeccable pour clore l’album.
Entre temps, Rohff aborde la question de l’argent, à l’évidence moins fondamentale pour lui que pour d’autres rappeurs puisqu’il n’hésite pas à dénoncer l’obsession qu’elle provoque chez certains à travers deux morceaux sans concessions, « L’Appât du gain » et « L’Argent parle ». « Le Coup du siècle » et son orchestration diabolique, mais surtout un « AK47 monologue » violent et bourré de punchlines mémorables, figurent parmi les temps (très) forts de ce Rohff Game démontrant si besoin est, qu’après deux décennies de carrière, Rohff en a encore beaucoup sous la semelle.
© ©Copyright Music Story Olivier Roubin 2015