Ce sont les événements tragiques survenus en France ces trois dernières années qui ont donné naissance à ce nouvel album d’Yves Duteil. Pour être plus précis, c’est le 11 janvier 2015 – jour de la « marche républicaine » – que le concept de l’album prend forme dans l’esprit de l’interprète de Prendre un enfant par la main et du Petit pont de bois. « Jamais la poésie n’est plus forte que lorsqu’elle s’ancre dans le réel », précise-t-il dans le livret. Respect, la chanson d’ouverture, donne le ton et « s’impose comme une évidence », selon les mots d’Yves Duteil : « Respect/C’est la voix de nos différences/nos peaux nos races et nos croyances ». Plus loin, Mohammed, Aïcha nous rappelle avec la même gravité que les musulmans aussi ont été les victimes des attentats. Pour ces chansons très engagées qui ouvrent et clôturent l’album, les arrangements de Franck Monbaylet s’engouffrent dans le brassage des cultures, mais aussi dans certains effets de cordes et de rythmiques qui lorgneraient presque du côté de certaines musiques de films « dramatiques ». Loin de cette gravité, Mamie, Mamito, Mamino surprend par sa légèreté de son tempo et la simplicité de son orchestration – une guitare sèche accompagne la voix de Duteil, cette guitare qui le suit depuis ses débuts. C’est une chanson qui se situe du côté de l’introspection, tout comme Mon piano a cent ans et Quarante ans plus tard. Et c’est finalement dans l’intimité de ses souvenirs personnels que les chansons d’Yves Duteil prennent leur véritable ampleur. Dans le même registre léger et dépouillé, signalons aussi la charmante et élégante Légende des immortelles, avec ses arrangements particulièrement inspirés, ainsi que Argentine, et sa musique d’inspiration… brésilienne ! Pavé de bonnes intentions (parfois trop bonnes ?), ce nouvel album d’Yves Duteil est un hymne aux valeurs humanistes, à la tolérance, dans un esprit qui fleure bon les années 80 – notamment avec cette pochette qui pourrait presque évoquer le célèbre logo de « Touche pas à mon pote ». Mais Duteil est malgré tout désireux d’être aux prises avec le monde qui l’entoure, ce qui s’exprime aussi par le mode de production qu’il a choisi pour sortir ce disque. C’est en effet un jeune label indépendant tourné vers le digital avec qui il travaille désormais (Unicum Music).© NM/Qobuz