Parmi les quelque trois cent cinquante œuvres qui sont aujourd’hui attribuées à Tartini se singularise un groupe de sonates – et de thèmes isolés, brouillons ou idées notées sur le vif – que leur très longue période de rédaction (des années 1750 jusqu’à la disparition du compositeur vingt ans plus tard), leur regroupement délibéré dans un seul et même manuscrit autographe personnel jamais publié malgré leur stupéfiante richesse, mais aussi la singularité de leur distribution – violon solo, sans basse aucune, ni écrite ni même suggérée – désignent comme relevant d’un commerce intime avec leur auteur, sans nul objectif de les partager avec qui que ce soit. Il les nommait « petites sonates », une appellation témoignant sans doute d’autant de fausse modestie que d’affection envers ces pages dont l’aspect expérimental transparaît à chaque mesure. Nombre de pièces, d’ailleurs, restent notées sous forme d’esquisses, de phrases jetées sur le papier dans l’inspiration du moment, et ce sont quelques-unes de ces phrases dont s’est saisi le violoniste Matthieu Camilleri pour distiller un très original ensemble de pièces improvisées ; même s’il précise que les improvisations ont fait l’objet de quelques « fixations » sur le papier : on est en séances d’enregistrement, pas en concert, et le support permet de choisir le meilleur parmi plusieurs prises. Disons donc : improvisation canalisée d’après Tartini et dans le style du génial musicien dont on disait qu’il avait parlé avec le Diable. En guise de références, Camilleri nous donne également quelques sonates originalement écrites par Tartini de A à Z dans ce fameux manuscrit, dans lesquelles on voit d’ailleurs apparaître ce même élément improvisé-noté. Fascinante juxtaposition de deux imaginations à deux siècles et demi de distance ! © SM/Qobuz