Si les projets d’un homme (Hayes est ici compositeur, chanteur, producteur, arrangeur, et instrumentiste), en disent énormément sur cet homme, alors l’Américain était un sacré épicurien.
Réécoutant Joy avec le recul des décennies, on comprend en effet mieux ce qui en fait la grandeur, la saveur, la permanence. Et pour en capter l’entièreté de l’essence, il suffit de se pencher sur « Joy » (la chanson). Dès l’introduction (ces percussions secouées, comme des gros cœurs inquiets, les cordes qui rampent du fond du corridor, la flûte rêveuse, et la guitare en pointillés intimistes), la cause est entendue : c’est à un sacré chef d’œuvre climatique, tendu et orgiaque qu’on a droit. La musique y est hénaurme, l’inspiration sensuelle comme un effeuillage sonique, et Hayes (qui a, de plus, composé la mélodie), s’y promène dans un déhanchement de matou matois (léger et sensuel, lorsque Barry White ne parvient qu’à être lourdaud et grasseyant en pareilles circonstances).
Et les censeurs ont certes dû se demander ce que le chanteur pouvait bien faire à la fin du morceau (si les râles qu’on perçoit ne sont manifestement pas ceux d’une lente et douloureuse agonie). Bien évidemment, l’album ne se résume pas à ce quart d’heure américain (l’amour enfui de « I’m Gonna Make It (Without You) », ou la réjouissante naïveté de « A Man Is a Man »), mais Joy reste vital pour qui veut comprendre la soul music, la musique des années 70, l’existence, et la course du monde. Et ce que nous faisons sur terre.
Entraîné par son single éponyme, Joy – magnifique album d’un homme mélancolique qui n’en oublie pas pour autant d’aimer - parviendra à la deuxième place des classements de musique noire, et dans le Top 20 de la pop.
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