Laurent de Saint-Luc vit le jour en 1669 dans une famille de musiciens. La réputation de son père, le luthiste Jacques de Saint-Luc, avait franchi les frontières des Pays-Bas espagnols : il était connu jusqu’à Paris – où, en 1647, il s’était fait entendre comme théorbiste à la chapelle royale. Alors que Saint-Luc père fut attaché à la chapelle royale de Bruxelles de 1639 à 1683, Laurent n’apparaît jamais parmi les musiciens de la cour. Peut-être convient-il d’en déduire que dès 1691, le fiston ne séjournait déjà plus aux Pays-Bas méridionaux. Outre l’absence de poste à la cour, la situation politique pouvait l’avoir incité à quitter Bruxelles, puisque la guerre de la Ligue d’Augsbourg avait transformé la région en champ de bataille – en 1695, un bombardement détruisit les deux tiers de Bruxelles. Bien que la France fût alors ennemie, Saint-Luc a pu prendre la direction de Paris un certain temps, l’intitulé de quelques pièces tendant à y confirmer sa présence à cette époque : L’Arioste moderne renvoie à un ouvrage de Mme Gillot de Beaucour de 1685, La Belle au bois dormant au conte de Perrault de 1696. C’est à Amsterdam que paraissent ses Suites pour le luth avec un dessus et une basse ad libitum, 1709 pour le Livre premier, 1710 pour leLivre second, mais rien ne permet d’établir avec certitude que le compositeur vivait toujours à ces dates. L’événement historique le plus tardif auquel réfèrent ses compositions (souvent descriptives : La Defaitte des François par les Allemands devant Turin, La prise de Barcellonne, etc.) est la prise de Lille, en octobre 1708. Ensuite… mystère. Le compositeur s’en tient généralement à la forme traditionnelle de la suite, qu’il sait cependant renouveler, tantôt en faisant précéder ses allemandes non seulement du prélude attendu, mais d’une ouverture ou même d’une marche, tantôt aussi en substituant aux sarabande et gigue des pièces de caractère comme Pour endormir l’enfant ou Pastorelle. Un compositeur ancien tout beau tout neuf donc, dont la luthiste argentine Evangelina Mascardi donne une lecture d’une intense tendresse. © SM/Qobuz
« Chaconne en majesté, solo "pour endormir l'enfant", écho de bataille, et partout ce toucher divin d'Evangelina Mascardi, qui rend ses lettres de noblesse à un luthiste voyageur du Grand Siècle. » (Diapason, avril 2018)