Quelle curieuse et attachante œuvre que cette Première Symphonie de Witold Lutosławski ! Écrite en 1947, elle emprunte encore à Stravinski, Bartók, Prokofiev et clairement Roussel, tout en déclinant déjà les idées personnelles du compositeur et son art abouti de l’orchestration. Mais il n’avait pas encore adopté – puis transformé selon sa propre fantaisie – le langage dodécaphonique, ni les principes aléatoires, que l’on retrouve précisément dans Jeux vénitiens, de 1961. Aléatoire, en l’occurrence, cela signifie que les musiciens ou différents groupes disposent d’une certaine liberté pour énoncer leurs différentes sections quand ils en ressentent l’envie, ou que le chef leur donne le départ. Mais bien sûr le cadre formel reste tout à fait circonscrit ; disons que chaque interprétation nouvelle donnera un éclairage différent, mais toujours sur la même œuvre. L’album se finit avec la Quatrième Symphonie, dernière du compositeur, écrite entre 1988 et 1991, créée en 1993 sous la direction de Lutosławski lui-même qui devait s’éteindre quelques mois plus tard. Il revient clairement ici à des idées harmoniques, mélodiques, presque mahlériennes ou bartókiennes par moments, même si le discours est d’une grande modernité. Le contraste entre la Première Symphonie, Jeux vénitiens et la Quatrième Symphonie est des plus spectaculaire, et donne une excellente idée de l’évolution d’un musicien de génie qui ne refusa pas les diverses influences, les incorporant dans son propre langage. © SM/Qobuz